Les interruptions tuent votre productivité
Ou comment ne pas avancer dans votre tâche
April 18, 2017
Dave Lawper est arrivé à 9h sur son lieu de travail. Une dure journée de développement l’attend. Armé d’un café et de toute la bonne volonté du monde, il s’attelle à sa tâche avec ferveur.
A 9h10, son chef Herman Adgeur vient lui annoncer qu’un imprévu événementiel est tombé, et qu’il faut absolument mettre à jour la charte graphique d’une des pages de l’application web. Il faut que ça passe en prod au plus tard le soir-même. Dave Lawper se retrousse les manches et abat le boulot en moins d’une heure. Satisfait, il livre dans l’environnement de dév, préviens son boss et se remet à sa tâche initiale à 10h.
A 10h15, Herman Adgeur revient vers Dave Lawper pour lui demander un ajustement par rapport à ce qu’il a fait. Le client a demandé un changement de dernière minute, et il faut absolument et immédiatement effectuer la modification demandée.
A 10h45, Dave Lawper peut enfin se remettre à ce qu’il avait planifié. Mais à 10h50, le support l’appelle pour un bug urgent qui vient d’être remonté. Herman Adgeur demande expressément à Dave Lawper de jeter un coup d’œil à ça tout de suite. Dave Lawper s’exécute.
A midi, Dave termine enfin son correctif et effectue la livraison avant de partir déjeuner en vitesse. Comme il n’a pas pu avancer sur ses engagements, il décide de revenir de sa pause rapidement et abandonne l’idée de s’adonner à sa veille technologique quotidienne.
A 14h, Deb Lopez vient demander l’aide de Dave Lawper pour l’intégration d’un nouvel outil. Dave Lawper est plus expérimenté sur le projet, et il ne peut pas refuser d’aider Deb Lopez qui vient tout juste d’arriver. A 15h, Deb Lopez est débloquée, et Dave Lawper peut revenir à son travail.
A 15h30, Dave Lawper avait oublié qu’il était convié à un meeting qu’il juge relativement inutile, mais auquel il ne peut pas se dérober. Il s’y rend donc, et perd une heure de présence où il n’apportera aucune contribution.
De retour à son bureau à 16h30, Dave Lawper se fait harponner par son architecte qui souhaite lui poser quelques questions, et vérifier que la solution implémentée dans l’application correspond bien aux recommandations que le pôle urbanisme et architecture avait éditées.
A 17h30, après une longue discussion qui a largement digressé du sujet initial, Dave Lawper revient à son poste. Il peut à nouveau se remettre à sa tâche. A 17h35, Herman Adgeur revient le voir pour lui demander s’il a bientôt terminé. La tâche n’aurait pas dû lui prendre plus d’une journée, aussi Herman reproche à Dave son retard. Même avec tous les bons arguments du monde, Dave Lawper peinera à justifier son retard.
Vous l’avez tous vécu. Que ce soit une fois dans votre carrière ou que ce soit votre quotidien, vous l’avez forcément tous vécu au moins un jour. Les interruptions sont le cancer de la productivité. Elles peuvent être le fruit d’une organisation défaillante, d’une culture d’entreprise inadaptée ou d’une absence de conscience individuelle de la nocivité d’une telle perturbation. Dans tous les cas, les interruptions de travail sont un poison à bannir de votre espace de travail.
De très nombreux facteurs peuvent en être la cause : des tâches à effectuer asap, des meetings inutiles, des demandes d’aide dont on pourrait se passer… Les interruptions sont le fruit d’un ensemble de pratiques nocives qui plombent littéralement la productivité. Et elles amènent généralement à une pratique visant à les compenser de la mauvaise manière : les journées à rallonge. Combien de collègues avez-vous qui démarrent leur journée de travail à 7h le matin, ou partent passé 19h ? C’est pourtant ces mêmes personnes qui vous diront :
Le moment où je suis le plus efficace, c’est tôt le matin quand il n’y a encore personne, ou tard le soir quand tout le monde est parti.
Pourquoi ? Deux raisons possibles. La moins courante est que certains sont effectivement plus efficace en début de matinée ou en fin de soirée. La plus répandue est généralement qu’elles peuvent se focaliser à 100% sur une et une unique tâche. Et c’est dans ces conditions que l’efficacité atteint des sommets.
Vous me direz alors :
La solution, c’est que chacun travaille dans son coin en bannissant toute forme de communication ? Est-ce là le vrai travail d’équipe ?
Evidemment que non. Il s’agit toujours d’une question de mesure. Si vous êtes chef de projet et que votre rôle est d’interagir avec d’autres intervenants, cela s’applique beaucoup moins à vous qu’un développeur dont la principale attribution est de produire une application. Idem, si vous êtes lead developer, il est dans votre attribution d’être disponible pour vos pairs afin de maximiser leur productivité. Néanmoins, beaucoup d’interactions dispensables viennent plomber la productivité.
Le second effet kiss kool de l’interruption est la notion de changement de contexte. Lorsque vous êtes plongé dans une tâche et qu’une interruption survient, combien de temps vous faut-il après cela pour vous replonger à pleine concentration dans votre tâches initiale ? La réponse courante est entre 5 et 20 minutes, en fonction du type de tâche et du degré de concentration qu’elle nécessite. Chaque interruption coûte donc le temps qu’elle dure, plus le changement de contexte qui s’ensuit et la fatigue supplémentaire qui en résulte.
Il existe de nombreuses manières de limiter les interruptions : préférer les communications asynchrones, bannir les meetings à outrance, éviter les asap, etc. Les moyens sont si nombreux qu’il mériteraient un article. Voire un livre, tel que l’excellent Rework.
Commencez donc par vous poser la question : l’action que j’entreprends en ce moment en allant voir untel est-elle vraiment indispensable, et vaudra le coup que je lui fasse perdre x minutes de sa journée ?
Rémi Doolaeghe est un développeur freelance Java partisan du manifeste agile et de l'artisanat logiciel. Il a développé son expérience pendant 5 années au service d'éditeurs de logiciels de la métropole lilloise avant de devenir développeur indépendant. L'agilité et la collaboration sont ses moteurs dans un univers où l'expertise technique à elle seule n'est qu'un premier pas vers l'excellence.
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