Interview de Simo Alaoui, Développeur freelance

En région parisienne

Dave Lawper est salarié depuis longtemps, et il souhaiterait changer d’air. Il a l’impression d’être bridé par une hiérarchie trop pesante, et des contraintes qui limitent sa créativité et sa productivité. Il a cependant entendu parler d’une alternative à ce statut, à savoir celui de freelance (c’est-à-dire travailler à son compte). Dans sa quête d’informations, il a eu la chance de rencontrer Mohamed “Simo” Alaoui, un ex et futur freelance officiant en Ile-De-France, qui a pu répondre à un bon nombre de ses interrogations.

Dans sa grande bonté, Dave Lawper m’a transmis une retranscription de l’entretien avec Simo Alaoui.

Interview

Simo Alaoui, quelle est ta situation aujourd’hui ?

Actuellement, je suis salarié pour un grand groupe bancaire français, pour lequel j’ai travaillé pendant deux ans en tant que freelance. Je n’avais pas d’autre client, et j’étais employé à plein temps pour effectuer du développement dans les technologies de l’éco-système Java. Les opportunités internes ont fait que j’ai intégré le groupe pour varier le type de missions et de tâches, et prendre en responsabilité. Cela dit, j’ai en projet de passer à mi-temps, afin de passer à nouveau un peu de temps sous la casquette du freelance !

Le statut d’indépendant me tente beaucoup. Comment savoir si je suis prêt à me lancer en tant que freelance ?

Il faut d’abord en avoir envie, sans que ce soit une lubie passagère. Si tu sens que tu as cette envie depuis un moment, que tu te sens en confiance, ce sont des bons indicateurs. Si en entretien d’embauche tu n’es pas sûr de toi et que tu ne te sens pas à l’aise, il faut te poser des questions. En revanche, si tu n’as pas peur et que tu es en demande de ce genre de choses, il faut foncer.

Comment je peux savoir si je ne me lance pas dans un marché absent, sans aucune demande dans ma région ?

Ce que je te conseille, c’est d’aller à la rencontre d’intermédiaire, comme des ESN, et voir avec eux s’ils ont des opportunités de missions. Rencontres-en une dizaine, et tu pourras te faire une bonne idée de la demande qui existe dans ta région.

Comment t’occupes-tu de ta partie administrative, notamment de ta comptabilité ?

Tu as deux choix possibles. Soit tu t’en occupes toi-même pour garder le contrôle et comprendre ce qui se passe derrière le rideau, soit tu délègues le travail à un comptable qui va certes te coûter un peu, mais qui te libèrera du temps pour faire du chiffre en parallèle. Un comptable, en soi, représente des frais qui ne sont pas exorbitants. C’est de l’ordre de 2500 euros par an, ce qui n’est pas énorme par rapport au chiffre de ton entreprise.

En ce qui me concerne, j’ai préféré garder le contrôle. La comptabilité pour un freelance reste relativement abordable à apprendre. Dans le fond, ce n’est pas très compliqué si tu t’y intéresses un peu, et ça prend généralement un week-end par mois au niveau temps. Il suffit simplement d’être assidu et de le faire chaque mois.

Tu peux aussi trouver des informations pratiques utiles sur certains sites, comme par exemple freelance-info. N’hésite surtout pas à t’y créer un compte, tu peux y poser des questions et les réponses qui te seront apportées par les autres membres sont très pertinentes.

Que peux-tu conseiller au niveau de la facturation ?

La facturation doit être faite mensuellement pour être payé à temps selon les termes du contrat de prestation. En général, les paiements se font à 60 jours à dater de la réception de la facture, mais c’est un terme à négocier dans le contrat.

Si tu commences un 1er janvier, tu factures le 30, et ton virement arrive le 30 mars. Il faut donc prévoir de vivre sans revenu trois mois, le temps de toucher ta première rémunération.

L’autre question à se poser est aussi le taux quotidien à facturer. Pour cela, pas de réponse miracle. Cela dépend du type de mission, de sa durée, du marché… Il faut faire des recherches et réseauter pour se positionner sur un tarif correct.

Avais-tu davantage des missions courtes ou longues ?

Généralement, les missions courtes sont pour des spécialistes plus expérimentés, et donc plus chers. Les missions longues dépendent du besoin. Un client peut avoir besoin d’un jeune sur lequel il peut investir du temps, ou au contraire un profil sénior pour avoir un pilier solide sur lequel s’appuyer.

Que peux-tu conseiller en terme de statut juridique pour un futur freelance ?

Il existe l’EI (Entreprise Individuelle). C’est un statut qui était, à l’époque où j’ai débuté, moins “réglementé” et plus facile à mettre en place en un minimum de temps.

En revanche, en ce qui concerne une entreprise avec une personne morale différente de toi (EURL, SARL…), il faut être bien carré dans ta partie administrative. Au niveau des revenus, tu as également une gestion des frais dans l’entreprise, et une partie versement des dividendes pour ton compte personnel. Il faut également voir comment gérer sa comptabilité pour optimiser ses prélèvements d’impôts. Personnellement, j’avais opté pour l’EURL.

Cela dit, avec la nouvelle loi de finance, les différences entre les deux types de status commencent à s’amenuiser.

Autre différence, une EURL permet d’embaucher des salariés si tu envisages de grandir, alors que l’EI ne peut pas.

Comment tu t’es fait connaître dans le milieu ?

A mon sens, la première chose à faire est de guetter les offres que tu peux trouver sur les plateformes dédiées aux freelances, du type freelance-info et hopwork.

Ensuite, une fois que tu es en mission, il faut que tu continues de travailler ton réseau. Régulièrement, chaque mois, essaie d’aller manger avec des membres de ton réseau, de façon informelle, pour garder le contact et rester à l’écoute des opportunités. Je ne parle pas directement de client, mais de quiconque pourrait t’apporter des missions à l’avenir (anciens collègues de travail, de fac, de prépa…).

Peu de temps avant la fin de ta mission (un mois ou deux), commence déjà à regarder les offres sur les sites dédiés, ou à faire marcher ton réseau pour essayer de réduire ou de supprimer dans la mesure du possible l’inter-contrat que tu pourrais avoir.

Concernant les clients potentiels, il vaut généralement mieux conserver une base de clients avec lesquels tu t’entends bien, et avec qui il existe peu de frictions, plutôt que t’échiner à conserver ceux qui vont te demander beaucoup d’efforts pour peu de résultats au final. Constitue-toi plutôt une base de clients “premium”.

Est-ce qu’il peut valoir le coup de se faire connaître par des conférences, des présentations, un blog… ?

Clairement oui. Tout ce qui peut permettre de rendre public tes compétences et ton offre sera payant. Il faut ensuite savoir en faire la publicité, en parler autour de toi, avoir une carte de visite…

L’image du freelance est celle du gars qui a la choix dans ses missions, ses horaires… Est-ce une légende, ou y a-t-il une part de vérité ?

Il y a une part de vérité, surtout psychologiquement. Ne pas avoir de paie mais un contrat de prestation, ça change tout, tu es moins bloqué.

Concernant les aspects pratiques, ça dépend énormément de la mission. Si tu es dans une équipe en mission longue, tu vas t’adapter aux pratiques de cette équipe. Tu vas adopter les mêmes horaires, typiquement.

En revanche, concernant les congés, tu as une liberté réelle. Dans mon cas, je faisais mon prévisionnel sur 200 jours (NDA : Un salarié classique travaille 218 jours par an). J’avais donc 50 jours de congés, arrêt maladie, formation… Cela dit, mon client était aussi conciliant. Il me faisait confiance, on s’entendait bien.

Au final, ça dépend vraiment du client.

En tant que freelance, il faut aussi que tu sois conscient que tu pourrais avoir un inter-contrat pendant un moment sans que tu puisses trouver quelque chose rapidement. Il faut aussi bien être conscient de ça.

Que peux-tu me dire au niveau de la facturation ?

La première chose, tu ne factures pas tout au même tarif. Tu ne factureras pas la même chose à la journée pour une mission courte que pour une mission longue. La partie recherche de mission et mise en place n’est pas facturée, et elle dure autant pour une mission courte ou longue. Il faut donc la refléter sur ton tarif à la journée.

Les déplacements doivent aussi être inclus dans la facturation, puisque c’est le client qui souhaite te voir ici ou là.

Ne te place aussi pas forcément dans la moyenne du marché. Un client qui chercher un freelance veut être sûr que ça lui rapportera quelque chose. Même s’il doit payer plus cher, il pourrait le faire pour avoir une garantie d’avoir des compétences avec une meilleure valeur ajoutée pour lui.

Le piège à éviter, surtout, c’est celui de se brader. Il faut éviter à tout prix de se placer bien en-dessous. Tu donnerais une mauvaise image de ta valeur, et tu pourrais impacter aussi le marché et le tirer vers le bas. Avec un tarif bas, tu lances un message négatif : celui de penser que tu ne peux pas apporter une bonne valeur ajoutée à ton client.

Est-ce que tes missions sont davantage en régie ou au forfait ?

Personnellement, ça a été de la régie. Mais encore une fois, ça dépend énormément du type de mission et de client que tu auras.

Est-ce qu’un freelance doit s’attendre à faire des semaines de 80 heures ?

Cela dépend des personnes. Si tu es un minimum organisé, tu ne vas pas te tuer à la tâche. Sache également que tu ne dois pas hésiter à prendre des congés quand ça devient nécessaire. Tu gères ton calendrier comme tu l’entends, et il ne faut jamais hésiter à faire un break si nécessaire.

Est-ce que tu facturais au mois ou au jour ?

Comme je passais par un intermédiaire, je faisais une facturation au jour, puisque c’est ce qu’il faisait avec son client également.

Généralement, la facturation se fait à la journée, ou au forfait.

Comment ça se passe au niveau de la commission quand tu as un intermédiaire ?

Quand tu passes par une société de service, généralement la commission est de 20 %. En revanche, si c’est toi qui leur apporte le client (parce qu’il a besoin d’un intermédiaire pour une raison quelconque, notamment pour avoir un interlocuteur unique), tu peux abaisser ce taux à bien plus bas, pourquoi pas du 5 %, ou rien du tout. Après tout, tu leur apportes une nouvelle affaire, un nouveau client.

Est-ce que le statut de freelance te laisse du temps pour faire de la veille ?

Etre freelance ne te prend pas vraiment plus de temps qu’être salarié, donc oui, je ne me prive pas. C’est même une garantie pour éviter l’obsolescence de ton offre.

Conclusion

Dave Lawper s’est senti bien moins dans le flou avec ces nouveaux éclaircissements. Il ne manquera pas de rendre une petite visite sur freelance-info et hopwork et de poser son statut pour se lancer dans le grand bain, et adviendra que pourra !

Alors vous aussi, pourquoi ne pas déchirer votre CDI et tenter la grande aventure ?

NDA : Je tiens à remercier Simo Alaoui pour le temps qu’il m’a consacré, et pour la relecture de cet article. Il m’a été d’une grande aide pour débroussailler les questions que je pouvais me poser. Si vous aussi songez à faire le grand saut, je vous recommande chaudement de prendre contact avec un freelance de votre région ou non afin de vérifier que vos attentes et vos idées sont en adéquation avec la réalité.

Bibliographie :

Profil de Mohamed Alaoui

freelance-info

hopwork

freelancerepublik

Photo de Rémi Doolaeghe

Rémi Doolaeghe est un développeur freelance Java partisan du manifeste agile et de l'artisanat logiciel. Il a développé son expérience pendant 5 années au service d'éditeurs de logiciels de la métropole lilloise avant de devenir développeur indépendant. L'agilité et la collaboration sont ses moteurs dans un univers où l'expertise technique à elle seule n'est qu'un premier pas vers l'excellence.

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